« La caisse d’avance, c’est quand on a essayé toutes les autres solutions »
Le 2 septembre 2020, le Ministère de la Transition Ecologique publie une étude sur l’état des logements en France en fonction de leur classe énergétique. Elle précise que 17% des logements sont des passoires énergétiques, catalogués F et G sur l’échelle du diagnostic de performance énergétique. Sur les 29 millions de résidences principales que compte la France, cela fait 4,8 millions de ménages qui vivent dans le froid et l’humidité. Jusqu’alors, seules des estimations circulaient.
Pour autant, le problème est identifié par les services de l’Etat qui ont mis en place un certain nombre de dispositifs d’aide pour les propriétaires qui ont besoin de rénover et d’adapter leur logement. C’est notamment le rôle de l’Agence Nationale pour L’Amélioration de l’Habitat (ANAH) qui verse des « aides à la pierre ». D’autres financeurs, des collectivités aux caisses de retraites, proposent également des dispositifs d’aide au financement des travaux. La présence de cette multitude d’acteurs a un avantage : elle contribue à financer un pourcentage très important des travaux. L’inconvénient, c’est qu’elle entraîne aussi une grande complexité et des problématiques financières pour les bénéficiaires des aides.
Dans ces projets de rénovation énergétique des logements ou d’adaptation à la dépendance, il y a très souvent beaucoup de financeurs, l’ANAH, les caisses de retraites, la Fondation Abbé Pierre… Aucun financeur n’a les mêmes règles, certains financeurs paient avant, la plupart paient après. Cela pose deux problèmes : d’abord, on se rend compte que les ménages particulièrement fragiles ont une possibilité d’avancer les travaux proches de 0. C’était impossible de trouver des solutions pour le reste à charge pour ces familles dont les travaux ne sont pas pris à 100 %. » Mais au-delà de ces contraintes liées au financement, les équipes de SOLIHA Vendée doit aussi rendre attractif ces chantiers de rénovation auprès d’artisans overbookés. « Nous sommes sur un département qui est perpétuellement en croissance économique et démographique (+ 7000 habitants chaque année) et les artisans ont des carnets de commandes très remplis, du coup c’était difficile de les convaincre d’intervenir sur nos dossiers avec toutes ces contraintes. » raconte Arnaud Bouchet, directeur territorial de SOLIHA Vendée, qui accompagne, avec son équipe, les particuliers dans la rénovation de leur logement.
« On peut se retrouver à faire 70 000€ de travaux dans des maisons où il n’y a pas de salle de bain, où le sol est en terre battue. »
« On avait des remontées des artisans » précise le secteur habitat du conseil départemental qui gère plusieurs dispositifs d’amélioration de l’habitat, (notamment pour le compte de l’ANAH) et qui a mandaté SOLIHA Vendée pour accompagner les propriétaires. « Comment faire pour qu’ils aient envie d’intervenir ? SOLIHA a réfléchi à la mise en place d’une caisse d’avance et nous a proposé de prendre en charge le coût de cet outil. On a accepté. On verse 10 000 € chaque année pour financer les intérêts et le temps de travail des équipes de SOLIHA. »
La caisse d’avance de SOLIHA Vendée est dotée de 300 000 € abondés par Solifap. Elle fonctionne selon un principe simple : l’association se substitue au propriétaire, les artisans lui envoient la facture et SOLIHA paie directement. En parallèle, elle reçoit aussi directement les financements en fonction de l’avancée du chantier. Elle joue un rôle d’intermédiaire qui a, à la fois la compétence pour accompagner les personnes dans leur projet, mais aussi les capacités d’intervenir financièrement pour faciliter la bonne réalisation de la rénovation. « Et pour les artisans, l’intérêt c’est de toucher toute la somme au bon moment. Les artisans savent que dans ces projets subventionnés les versements arrivent tard. La caisse d’avance vient redonner de l’intérêt sur ce type de chantier. » Créée il y 3 ans, cette caisse permet d’aider 50 familles par an. Autant de projets qui auraient été bloqués sans cet outil.
« Nous, chez SOLIHA, on accompagne les ménages modestes et très modestes. L’ANAH a défini des plafonds de ressources pour définir ces catégories, on accompagne donc des gens qui gagnent moins de 27 000 € par an pour un couple. Mais ces plafonds, déjà très bas, ne tiennent pas compte de la trésorerie des demandeurs. » raconte Michaël Ezanic directeur territorial du SOLIHA voisin de Sarthe-Maine-et-Loire, qui vient de se lancer dans l’expérience en créant une caisse d’avance sur le modèle vendéen, là aussi grâce aux fonds de Solifap. « Il y a beaucoup, dans les territoires ruraux, de gens qui ont une petite retraite. Ils vont pouvoir utiliser l’ANAH, solliciter des caisses de retraite, Action Logement mais malgré les financements, il y a des propriétaires qui n’ont pas la capacité financière d’avancer les travaux. Les projets peuvent être de 35 ou 40 000€ de travaux. On peut même se retrouver à 70 000€ de travaux dans des maisons où il n’y a pas de salle de bain, où le sol est en terre battue. En plus de l’avance des travaux, ils peuvent avoir 25, 30 % à financer sur leurs fonds propres. Il y a des possibilités de faire un prêt relais, un emprunt. Il y a des organismes bancaires spécialisés, mais ça ne marche pas forcément. A cause de ça, il y a des projets bloqués. » Avec sa nouvelle caisse d’avance, il vise une vingtaine de ménages accompagnés par an.
« L’adaptation des logements à la dépendance va être un enjeu majeur. »
Les personnes qui ont besoin d’être aidées pour des travaux sont orientées par les collectivités territoriales, les Centres Communaux d’Action Sociale, les travailleurs sociaux. Les équipes de SOLIHA sont mandatées par les élus locaux pour tenir des permanences où les gens peuvent venir, faire des visites. « C’est une population fragile. Ce sont pour beaucoup de gens qui vivent dans le périurbain, habitent en maison, ont des grandes surfaces, des revenus faibles et qui sont plutôt âgés. » précise Arnaud Bouchet.
Face à ces besoins, le conseil départemental de Vendée est très mobilisé sur les questions d’habitat. « Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la Vendée est une zone tendue pour le logement. Sur le littoral, c’est difficile de trouver du locatif dans le parc privé à un loyer acceptable. C’est difficile aussi d’acheter, il y a peu de logements sociaux et du coup les jeunes ménages vont à 25 km dans les terres. On a un parc globalement récent, mais près de Fontenay, de Luçon, de la Chataigneraie, de Pouzauges, on a un habitat ancien qui parfois peut donner des conditions d’habitat difficiles. » précise le secteur habitat du conseil départemental qui considère que les besoins en termes de rénovation et d’adaptation des logements à la dépendance vont se multiplier. « On a un taux de personnes de plus de 75 ans qui augmente beaucoup, avec des inégalités. Les retraites sont inférieures à la moyenne nationale. Il y a ceux qui arrivent d’Ile-de-France pour passer leur retraite sur la côte, et qui ont plus de moyens. Mais les personnes âgées du territoire ont des petites retraites, notamment dans l’est et le sud de la Vendée. L’adaptation des logements à la dépendance va être un enjeu majeur. »
« Les personnes ont vraiment des besoins ».
Chaque année, en Vendée, 400 foyers sont aidés pour l’adaptation du logement à la dépendance (modification de la salle de bain, des accès à la maison) et 600 foyers pour la rénovation énergétique (changement des menuiseries, des chaudières, isolation des murs et toitures…) avec un montant de travaux moyen de 10–12 000 €. Le budget de l’ANAH alloué à la Vendée, en 2019, était de 8 millions d’euros.
Alors 300 000€, cela peut sembler une goutte d’eau dans cet océan de travaux à programmer. Le rôle de la caisse d’avance a d’ailleurs évolué. « En Vendée, la caisse existe depuis 3 ans. Elle devait bénéficier à 95 dossiers sur la première année. On s’est rendu compte qu’on n’atteignait pas ces objectifs. Il y a eu des changements qui ont facilité les choses du côté de l’ANAH. Le montant du reste à charge a baissé. Beaucoup de ménages bénéficient aussi de solutions de financement d’autres natures » précise Arnaud Bouchet dans une analyse partagée avec le département qui ont ensemble retravaillé sur les objectifs de cet outil. « Chaque année, pourtant, l’enveloppe a toujours été consommée. Malgré les évolutions, il y a une population qui reste sur le carreau. Des personnes qui ont des logements très dégradés, des ressources très faibles, pour lesquelles l’ensemble des dispositifs ne suffisent pas. On accompagne donc de moins en moins de foyers (50 par an) mais avec des montants moyens beaucoup plus importants. Les personnes ont vraiment des besoins. On veut conserver la caisse pour ceux qui en ont le plus besoin, quand on a essayé toutes les autres solutions. »
En savoir plus sur le projet
Solifap finance 3 caisses d’avance destinées à financer des travaux de rénovation et d’adaptation des logements pour des particuliers, particulièrement dans l’ouest de la France. Une nouvelle caisse d’avance va voir le jour dans les Alpes Maritimes, dans le courant de l’année 2021.
Les trois caisses d’avance en fonctionnement permettent d’accompagner une centaine de ménages chaque année.
· La caisse d’avance de SOLIHA Vendée mise en place depuis 2017 par l’intermédiaire de deux prêts de 150 000€ sur des durées de 5 ans et 3 ans
· La caisse d’avance de SOLIHA Sarthe-Maine-et-Loire mise en place depuis septembre 2020 par l’intermédiaire d’un prêt de 208 000€ sur une durée de 3 ans.
· La caisse d’avance de SOLIHA Centre-Val-de-Loire mise en place depuis 2018 grâce à une garantie sur découvert de 97 500€ accordé par la Nef
Une nouvelle caisse d’avance va être mise en place par AGIS06. Solifap l’abonde à hauteur de 100 000€ par l’intermédiaire d’un prêt participatif de 3 ans.
Depuis la création de la première caisse d’avance, 200 projets de travaux de rénovation ou d’adaptation du logement ont pu aboutir.